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En entreprise, les collègues robots ont la cote

Ma vie en boîte. Selon les scientifiques, les humains préféreraient travailler avec des ordinateurs plutôt qu’avec des congénères.

Publié le 04 juin 2015 à 13h02, modifié le 05 juin 2015 à 12h08 Temps de Lecture 3 min.

Le robot doit ressembler le plus possible à un humain – sans en être un, donc – pour que sa relation avec un être de chair et de sang soit la meilleure possible(photo: François Hollande, aux côtés d'Arnaud Montebourg, tient dans ses bras le robot

Il fut un temps, pas si lointain, où traiter une personne de « robot » était insultant. On qualifiait de la sorte un chef ou un collègue sans cœur, ne manifestant aucun sentiment, ce qui ne présageait rien de bon pour la suite des relations avec l’individu concerné.

Désormais, si paradoxal que cela puisse paraître, les humains préféreraient travailler avec des ordinateurs plutôt qu’avec des congénères, comme viennent de le prouver Marek Posard et Gordon Rinderknecht, deux chercheurs en sociologie de l’université du Maryland (Etats-Unis). Les résultats de leurs travaux sont publiés dans le dernier numéro de la revue Computer in Human Behavior.

Leur démonstration repose sur plusieurs expériences menées avec un groupe de 114 adultes. Il leur était demandé de jouer, sur ordinateur, à un jeu de jetons classiquement utilisé en sciences humaines pour mesurer le niveau de confiance entre deux individus.

Certains joueurs se voyaient confrontés, via le réseau, à des joueurs humains, leur était-il dit, d’autres à des ordinateurs. En fait, tous jouaient avec un ordinateur, mais la moitié d’entre eux pensaient donc le contraire. Il s’est avéré que les joueurs adoptaient le même comportement, qu’ils pensent jouer avec des ordinateurs ou avec des êtres humains. Leur faisant ni plus ni moins confiance.

Éviter d’être jugés

En revanche, ceux qui pensaient jouer avec des ordinateurs ont, en moyenne, estimé qu’ils se sentaient plus en phase, plus impliqués dans le jeu que ceux qui pensaient jouer contre des humains.

Est-ce parce que, dans la « vraie vie », les entourloupes des uns et des autres, les sautes d’humeur, les pertes de temps occasionnées par des ego surdimensionnés sont à ce point insupportables qu’il devient préférable d’interagir avec un automate évolué ?

Possible. Car dans une autre étude, dont il est rendu compte dans le numéro de juin de la Harvard Business Review, Jonathan Gratch, professeur à l’université de South California, prouve que les gens se confient davantage à un robot qu’à un humain. Ils se confient, parce que parler soulage. Mais ils se confient à un robot, aussi pour éviter d’être jugés négativement ou ne pas avoir à se dévoiler devant un pair, explique M. Gratch. Faute de psychanalyste, un robot ferait donc l’affaire, pourrait-on dire, au risque de se mettre à dos toute la profession des héritiers du docteur Freud !

Le robot doit néanmoins ressembler le plus possible à un humain – sans en être un, donc – pour que sa relation avec un être de chair et de sang soit la meilleure possible. Conséquence malheureuse : les humains projettent alors sur les robots les mêmes stéréotypes qu’avec les vivants. Stéréotypes de genre, en particulier.

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En 2006, Clifford Nass, Youngme Moon et Nancy Green, trois chercheurs de l’université Stanford, avaient déjà démontré que le seul son de la voix émis par un ordinateur suffisait à provoquer des réactions stéréotypées. Une quarantaine d’étudiants soumis à des tests d’évaluation avaient jugé les tests meilleurs quand ils étaient menés par un logiciel exprimant les résultats avec une voix masculine plutôt qu’avec une voix féminine. Ils avaient aussi estimé que des explications sur des sujets d’informatique étaient plus pertinentes lorsqu’elles étaient données par une voix masculine.

Voix féminine-prénom masculin

Et, à l’inverse, que la façon d’aborder des sujets mettant en jeu les sentiments était plus judicieuse lorsqu’elle était exprimée par une voix féminine. Enfin, ils avaient jugé encore plus sévèrement les évaluations menées avec une voix féminine quand celle-ci faisait preuve d’autorité, alors qu’au contraire c’était un atout pour les évaluateurs à voix masculine.

Dans d’autres expériences plus récentes, menées par des chercheurs de l’université Soongsil (Corée du Sud), un robot nommé Jean, chargé d’assurer la sécurité d’un lieu, a été jugé plus fiable que son double nommé Jeanne. Tandis que d’autres études ont montré qu’il valait mieux s’appeler Jeanne quand on était un robot domestique !

Cerise sur le gâteau : la valeur perçue d’un ordinateur est de 34 % plus élevée si cette machine porte un prénom masculin plutôt qu’un prénom féminin, a prouvé Marek Posard dans une autre étude, publiée en 2014 dans Computers in Human Behavior. Un écart similaire à celui observé entre les rémunérations des hommes et des femmes, à qualification et fonction équivalentes.

Si ordinateurs et robots deviennent les meilleurs amis des hommes – ce qui fait frémir –, on les attend donc pour mettre leur intelligence algorithmique et rationnelle au service de la parité. Pour définir rémunérations et promotions. En bonnes copines, aussi !

Annie Kahn animera le 26 septembre une table ronde sur "Robots, avenir de l'humanité" au Monde Festival Les robots, l’avenir de l’humanité ?
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